Un soir de pleine lune, où l’air avait un parfum d’automne, une silhouette se déplaçait lentement entre les pierres tombales et autres mausolées, avec pour seul bruit non pas celui que devaient produire ses pas mais un léger cliquetis. A la lumière que diffusait l’astre lunaire, on pouvait voir une chaîne briller autour de la taille d’un jeune homme tout de noir vêtu. Son teint très pâle laissait penser qu’il ne sortait que très rarement en plein jour et on approchait de la vérité en pensant cela car Ludwig, tel était le prénom de ce garçon errant, ne sortait que la nuit. Pourquoi ces étranges mœurs ? Très simple. Déjà, bien qu’ils étaient étranges pour un humain, ils ne l’étaient pas pour la race à laquelle appartenait Ludwig.
Pour ceux qui n’auraient pas encore deviné qui était cet étrange jeune homme, voilà encore un indice… Au soleil couchant, il était sortit du mausolée où lui et son Maître avaient emménagé pour quelques jours et duquel ils avaient 'viré' les propriétaires, pour aller en ville. Durant sa promenade nocturne, il avait rencontré un joli jeune homme dont il eut la folle envie de conquérir son cœur. Non, ne vous méprenez pas, Ludwig n’est pas homosexuel. Quoique… Des fois on pourrait se le demander. Vous n’aurez qu’à vous en faire une idée au fur et à mesure que vous en ferez connaissance… Pour revenir à cette histoire de joli cœur, ce n’était pas dans le sens de le draguer que Ludwig s’était approché de lui et avait engagé la conversation mais bien parce qu’il avait les crocs. Il lui avait donc demandé de le suivre, l’amenant dans un coin sombre et tranquille de la ville. Une ruelle bien sombre en somme. Comment l’a-t-il persuadé de le suivre ? L’excuse banale : le chat de sa sœur a grimpé en haut d’un mur et n’arrive plus à en redescendre. Il fallait donc faire la courte échelle…
Et alors que le pauvre jeune homme qui s’est fait avoir se rendait peu à peu compte qu’il n’y avait pas de chat et qu’il était sans doute tombé dans un piège, Ludwig le plaqua contre le mur, face contre la pierre.
« N’écoute jamais ce qu’on te dit mon coco, il y a toujours des gens qui sont plein de mauvaises intentions… Heureusement que je suis là pour te l’apprendre mon petit. Maintenant, on va effacer cette vilaine faute d’inattention de ta vie. Et pour ça, il n’y a qu’à te faire une nouvelle vie. Tu vas renaître dans un autre endroit. T’y vas t’y plaire… Il fait chaud à longueur d’année mais il y a plein de méchantes personnes. Mais avec la leçon que tonton Ludwig t’a enseigné, tu ne te feras plus jamais prendre au piège, hein mon mignon ?.. » fit-il avec la même voix que l’on emploierait avec un enfant.
La pauvre victime était tellement morte de peur qu’elle n’arrivait ni à bouger, ni à appeler du secours. Mais eusse été nécessaire ?... La mort était proche. Il n’y avait plus rien à faire. Tout le monde dans le voisinage devait être chez lui à vaquer à ses occupations habituelles. Quelqu’un retrouverait son corps le lendemain et encore, ce n’était pas une ruelle très empruntée par les gens.
Avec un regard plein de démence et où l’on pouvait y lire du sadisme, Ludwig approcha lentement son visage du cou du jeune homme et y frôla la peau avec le bout de son nez glacé. Il sentit les frissons qui parcoururent le corps de sa victime. C’était tellement bon de les laisser souffrir ainsi la peur au ventre… Mais cet humain n’était pas drôle, il n’essayait aucunement de s’enfuir… Dommage. Cela aurait été plus marrant. Autant en finir tout de suite donc…
« Bon voyage mon coco. Dis bonsoir à tous ceux qui me connaissent… » annonça t-il juste avant de planter ses crocs dans la gorge du jeune homme et de boire le sang passant dans sa carotide droite.
Ce sang était fraîchement rempli de dioxygène… C’était délicieux. Meilleur que celui passant dans les veines. Enfin… Cela restait du sang, le met préférait des vampires.
Et alors que les dernières gouttes de sang quittaient le corps cadavérique de la victime, Ludwig laissa tomber le cadavre par terre. Il n’était pas d’humeur artistique ce soir. Il allait donc laisser le corps ainsi posé sur le sol.
Rassasié, il prit le chemin du cimetière où l’attendait son Maître Elric. Et alors qu’il passait devant une chapelle, il vit un jeune garçon à la chevelure grise un peu comme lui entrer dans le lieu saint en compagnie de ses parents. Ils étaient bien habillés. Visiblement, ils étaient invités à dîner. Regardant la lune, le vampire su quelle heure il était : près de vingt heures.
* Mmm… Maître Elric ne sera sans doute pas contre une petite sortie… Surtout s’il y a un bon repas à la clé. Ce petit garçon a l’air tellement naïf avec ses grands yeux enfantins. Ludwig pourrait proposer à son cher Maître d’en faire un serviteur… *
Ce serait tellement bien d’avoir une créature qui puisse sortir en plein jour à leurs côtés… Elle pourrait faire tout le sale travail, aller chercher de beaux récipients de sang sur pattes… Le Maître ne serait sans doute pas contre.
Ce fut donc avec cette idée que le vampire fou arriva dans le cimetière comme dit précédemment. Il regardait autour de lui, l’air un peu absent mais l’esprit heureux… Il se mit même à chanter en murmurant.
« Brouillard sur le cimetière,
Y’a des vautours juchés sur les pierres,
Un paquet de zombies pompettes,
Court après moi avec une machette,
Chauves-souris dans le hangar,
Y’a du sang sur le prélart,
Y’a un pendu dans la court,
Ixabrua s’en vient faire un p’tit tour…
On a tous la bouche en sang… et on rit… »
Bien sûr, les paroles de cette chanson n’avaient rien à voir avec le moment présent. Rien de ce qu’il disait ne correspondait à la description que l’on pouvait se faire du cimetière où il se trouvait.
Marchant tranquillement dans l’allée principale, Ludwig cherchait du regard le mausolée où il avait élu domicile avec son Maître, saluant au passage les esprits qu’il croyait voir sortir de leur tombe.
Arrivé devant sa demeure, il poussa la grille en bronze qui tourna sur ses gonds dans un long et plaintif grincement.
« Bonsoir mon Maître. Bien dormi ? Votre serviteur est allé se ressourcer. Vous en voulez un peu ? » demanda t-il en s’asseyant sur les genoux d’Elric comme l’aurait fait sa compagne -s’il en avait une- et en tendant le poignet droit pour que, à son habitude, il boive son sang.
Tout en gardant sa position, son regard se posa sur la 'tapisserie' du mausolée. Quelle était belle… Elle représentait, ou plutôt était constituée des trois anciens propriétaires de l’habitat. Trois pauvres vampires sans aucune force. Et leur état n’allait pas s’arranger à rester accrochés comme ça car comme vous l’aurez compris, ils n’étaient pas encore morts, selon le souhait de Môsieur Elric...
