tout ça pour un anneau en diamants...

Voilà bien une semaine que Ludwig et son maître Elric étaient arrivés sur le continent d’Aepra. Ils avaient pris possession d’une modeste maison qui avait appartenue à une petite famille de commerçants. Le père, la mère, la fille aînée, le fils cadet, tous étaient morts à l’heure qu’il était. Ils n’avaient pas supporté la venue du duo Elric/Ludwig. Il fallait avouer que les deux vampires n’étaient pas allés dans la dentelle. Chacun avait pris deux des membres de la famille et s’était amusé avec. Le vampire fou s’était chargé des deux enfants qui dormaient dans la même chambre alors que son Maître avait choisi les parents. Ce n’était pas pour une question de goût. A chaque fois qu’ils se retrouvaient devant un tel choix, ils inversaient mais là, cela avait été le tour de Ludwig de s’occuper des enfants.
Un sourire naquit sur ses fines lèvres alors que le vampire marchait dans les ruelles étroites d’un petit village, sa chaîne servant de ceinture produisant de léger cliquetis à chacun de ses pas. Qu’il s’était bien amusé avec ces deux agneaux sans défense… C’était sans contexte les personnes qu’il aimait le plus. Les enfants étaient si pures, si innocents. Cela aurait été une honte de les laisser tels qu’ils étaient. Alors, comme toutes choses pures qui passaient entre les mains du serviteur de Maître Elric, elles perdaient de leur innocence, étaient salies et mourraient dans cet état.
Les pleurs du garçon devant le spectacle de sa sœur subissant les envies sadiques et perverses du vampire revinrent à l’esprit de Ludwig. C’était comme une douce mélodie quand ceux-ci étaient mélangés aux cris… Le fou soupira. Chaque cri et pleur étaient différents. C’était pour cela qu’il s’était mis en tête d’en entendre le maximum et pour cela, il devait tuer, beaucoup tuer. Son Maître aimait cette façon de penser et son serviteur le lui rendait bien.
Après avoir apaisé ses pulsions meurtrières et perverses, les deux vampires avaient exploré les lieux, refaisant la décoration au passage en utilisant le liquide qu’ils avaient fraîchement fait couler. On pouvait dire qu’ils avaient un certain sens artistique. Même si cela ne pouvait pas plaire à tout le monde, c’était sûr.
Le sourire de Ludwig s’élargit un peu plus. Il adorait ces moments qu’il passait avec son Maître. Ils s’amusaient bien ensemble à salir tout ce qui leur tombait sous la main ou sous les crocs. Son Maître… Il était comme un dieu pour lui. Peut-être le deviendrait-il un jour… Et lui serait toujours son fidèle serviteur, comme depuis le premier jour où ils s’étaient rencontrés dans la chambre des parents du jeune 'esclave' alors que sa mère se faisait assassiner devant ses yeux jusqu’alors quasi innocents. Mais il n’en voulait pas à Elric d’avoir fait cela, au contraire. Grâce à lui, il l’avait délivré de cette vie monotone. S’il n’avait pas été là, sans doute Ludwig serait-il toujours chez lui, n’aurait pas voyagé, n’aurait pas assouvit tous ses désirs, réalisé tous ses fantasmes les plus fous…
Les yeux levés vers le ciel étoilé, le vampire marchait tranquillement, sa tête se balançant doucement de droit à gauche au son d’une musique inexistante que lui seul entendait.
Mais des bruits de pas le fit baisser son regard et stopper ses délires. Une jeune fille marchait paisiblement quelques mètres devant lui. Elle devait sortir d’une des maisons qui bordaient la ruelle. La pauvre, elle ne savait pas qu’il ne devait pas y avoir de personne croisant la route de Ludwig, surtout lorsque celui-ci était en chasse.
Alors, il continua à marcher, faisant retentir plus bruyamment les cliquetis de sa chaîne, ce qui alerta la jeune fille. Elle tourna rapidement la tête dans sa direction puis accéléra le pas, jusqu’à courir. Faisait-il si peur que ça ? Il ne le pensait pas, en tout cas, pas à ce moment de la chasse.
Le vampire marcha lui aussi plus vite jusqu’à ce qu’il voit sa proie entrer dans la forêt qui avoisinait le village. Elle était faite comme un rat. Vu que la lune n’éclairait pas beaucoup, elle n’aurait aucun point de repère et se perdrait. Dommage pour elle, Ludwig avait le don d’être nyctalope, il avait donc une très bonne vision nocturne.
Le fou entra dans la forêt et n’eut même pas besoin de regarder où aller la jeune fille, il n’avait qu’à la suivre à l’odeur. Elle portait un parfum à l’odeur fruitée. Un vrai délice. Se faufilant sans bruit entre les arbres, il ne mit pas beaucoup de temps à trouver sa victime étendue sur le sol et complètement essoufflée. Apparemment, elle avait trébuché ou alors, était tombée de fatigue.
D’un pas souple, le serviteur enjamba la malheureuse et s’accroupie à ses côtés, faisant mine de passer pour un gentil alors que ses attentions étaient toutes autres.

« Veuillez m’excuser. Je ne voulais pas vous faire peur, je vous l’assure. » murmura t-il sur un ton plein d’excuses.

Il l’aida à se redresser pour qu’elle s’assoit et lui sourit gentiment, sourire qui ne tarda pas à se faire sadique alors qu’une lueur maléfique faisait briller ses yeux. Ses crocs s’allongèrent et la jeune fille n’eut même pas le temps de crier qu’elle se retrouva avec une des mains froides de Ludwig sur la bouche.

« Tu es bien jolie ma mignonne. » lui susurra t-il à l’oreille en retirant une de mèches qui cachaient partiellement son beau visage. « Mais tu as été bien méchante. Tu m’as fait m’éloigner de mon Maître. Les gens qui font ça doivent être punies. C’est la règle. »

Sa victime n’osait même plus bouger. Elle restait le regarder, les yeux grands ouverts. Le jeune homme approcha son visage du sien et apposa délicatement ses lèvres sur le front de la pauvre fille. Celle-ci émit un gémissement mais ne bougea pas pour autant, paralysé par la peur.

« Bien. Tu vois que tu peux être une gentille fille. Pour la peine, je ne te ferai pas mal. Sois sans crainte. » chuchota t-il comme si son but était de la calmer alors qu’il était sur le point de lui opter la vie.

Il descendit son visage dans le cou de la jeune fille, huma son parfum si fruité puis planta ses crocs dans sa chair si bonne afin de la vider de son sang.
Une fois ceci fait, il laissa le corps sans vie à ses pieds et vu la gentillesse que la malheureuse avait eu à son égard [ laissez le croire ça, ça lui fait plaisir v__v ], il prit ses deux mains et les croisa sur sa poitrine, comme on le faisait habituellement aux morts. Belle mise en scène qui lui fit remarqué la trace que le cadavre portait autour d’un doigt, comme un anneau qu’on avait porté très longtemps et qu’on avait enlevé récemment. Sans doute l’avait-elle perdu dans sa tentative de fuite…
En tout cas, le vampire fou se redressa, regardant autour de lui à la recherche de la sortie de la forêt. Mais alors qu’il commença à avancer dans la bonne direction, il entendit un bruissement d’ailes au dessus de sa tête. Il leva un regard incrédule vers la source de ce bruit et son plus beau sourire carnassier apparut sur ses lèvres. Qu’il était beau cet oiseau. Une colombe en plus. La chance souriait-elle à Ludwig ce soir ? Mais, qu’avait-il dans son bec ? Un anneau ? Sans doute celui de la morte…
Sans prévenir, il saisit l’oiseau d’une main, celui-ci produisant un cri aigu de surprise et sans doute de douleur.

« Ne t’inquiète pas petit oiseau. Je vais bien m’occuper de toi… » murmura t-il comme si ses paroles avaient été un bon présage.

Il avança sa main libre vers le cou du volatile afin de le lui tordre mais arriva bien vite un deuxième animal. Celui-ci n’avait pas l’air content. Il attaquait le vampire de toutes ses forces, lui écorchant le visage avant que le jeune homme ne daigne enfin se servir de sa main ne tenant pas l’oiseau pour se protéger.

« Attends ! Je m’occuperai de toi après mon coco… » dit-il d’une voix mielleuse mais où l’on pouvait sentir une once de colère et une pointe de sadisme.

Il n’appréciait pas être déranger alors qu’il venait juste de manger. Sale habitude qu’il avait depuis tout petit, bien avant de devenir une créature de la nuit. A l’aide de grands gestes, il essayait de repousser l’animal à plume jusqu’à ce qu’il entende quelque chose bouger derrière lui. Il fit volte face et se retrouva devant une ravissante jeune fille, bien plus belle que celle qu’il venait de tuer quelques minutes plus tôt et qui gisait à deux mètres de là.
Bien qu’il était surpris par toutes ses arrivées inattendues, c’était plutôt de la colère qui se lisait dans son regard qui brillait à cet instant d’une étrange lueur jaune. Ses oiseaux… Serait-il possible qu’ils appartiennent à cette elfe ?
En ayant marre de cet oiseau gênant qui faisait tout pour le blesser et n’arrivant pas à l’atteindre à l’aide d’une seule main, Ludwig avança d’un pas assuré vers la jeune femme et s’arrêta un mètre devant elle.

« Demande lui d’arrêter sinon je tus son petit compagnon ! » menaça t-il en serrant un peu plus l’étreinte qu’il exerçait sur la pauvre colombe.

Ludwig sentait bien la peur chez cette elfe et s’en délecta. Ce plaisir devant un tel spectacle calma quelque peu sa colère, mais pas complètement. Il la regarda, attendant une réaction de sa part mais pour cela, il fallait au moins qu’elle ne daigne reprendre le contrôle d’elle-même et se montrer un peu plus courageuse. Le vampire était d’un naturel patient mais lorsqu’il se sentait rassasié, cette qualité s’atténuait à cause de l’envie d’en finir très vite avec cette histoire et pouvoir rejoindre le plus tôt possible son Maître Elric.
De douces paroles franchirent les lèvres de la jeune femme, adressées à l’oiseau. Comment pouvait-elle parler ainsi à des animaux si pures ?.. Tout ce que ceux-ci attendaient été qu’on les salisse ! Cette façon de se pavaner devant les gens en volant et en montrant qu’ils étaient libres n’était qu’un signe qui signifiait qu’ils donnaient le feu vert pour s’occuper de leur cas, pour que quelqu’un leur prenne leur pureté, leur innocence, leur liberté… Et ce quelqu’un c’était Ludwig. Il aimait réaliser le souhait de ces petits animaux. Il les délivrait de leur souffrance d’être aussi pures. Il noircissait leur âme avec des pensées maudites car il les entendait bien le maudire de tout ce qu’il leur faisait subir, il entendait bien leur petite voix criarde résonner insupportablement à ses oreilles. C’était la même voix qu’ils utilisaient pour le supplier de leur faire quitter ce monde de souffrance.
Et voilà que la créature nocturne repartait dans ses pensées délirantes et qu’il en oubliait le moment présent. Réfléchissant un moment, il se dit qu’en rendant sa liberté à la colombe son compagnon arrêterait de le blesser. Non pas qu’il avait mal avec ses coups de becs mais il n’était pas d’humeur à tenir tête. Il devait rentrer rapidement à la maison. Son Maître l’y attendait.
Sa main libre s’approcha tout doucement de la tête de l’oiseau qui dépassait entre ses doigts fins et cadavériques et à l’aide de son pouce et de son index, prit l’anneau que tenait l’animal avant de rendre sa liberté à ce dernier. Les deux oiseaux prirent leur envol en direction de l’elfe qui semblait maintenant perdue dans ses pensées.
Il était dangereux d’oublier la présence de Ludwig mais celui-ci n’en profita pas. Il resta la fixer, attendant une réaction de sa part. Pendant ce temps, il glissa l’anneau doré et argenté dans l’une de ses poches, soulevant un peu sa chaîne pour que l'action soit plus facile à réaliser. Jamais il ne se séparerait de cette ceinture de fortune. Elle lui avait été utile mainte et mainte fois et représentait pour lui une sorte de trophée de chasse, tout comme l’anneau qu’il venait de ramasser.
L’elfe sortit enfin de ses pensées et reposa son regard sur le vampire, ce qui eut pour effet de le sortir lui aussi de ses souvenirs. Il la laissa l’admirer, ne faisant aucun commentaire, se gardant même de ne pas rétracter ses crocs pour qu’elle voie bien le sang qui les maculait. Il voulait lui faire peur, lui montrer à quel point il pouvait être maléfique bien que le fait d’avoir libéré sain et sauf l’oiseau ne le montrait pas vraiment.
Puis le regard de la jeune femme se posa sur le corps sans vie de la victime de Ludwig, ce qui fit naître un sourire sadique sur les lèvres fines de celui-ci.

* Alors ? Qu'en penses-tu chère elfe ? Ludwig a fait du bon travail, n’est ce pas ? * pensa t-il, amusé par sa mise en scène.

La pauvre spectatrice de cette vision macabre n’avait pas l’air de se sentir bien : elle était prise de tremblements et de hauts le corps. Allait-elle crier ? S’effondrer en larmes en suppliant le fou de ne pas lui réserver le même sort ? Il y avait tant de possibilités… Mais aucune ne convenait à ce que l’elfe était sur le point de faire, ce qui prit de surprise le vampire.
Sans trop savoir le pourquoi du comment, il se retrouva au sol, le nez dans la mousse humide poussant sous un vieux chêne et les fesses en l’air. Quelle position peu confortable, à part dans d’autres situations… [ Que je ne citerai pas ici v__v ]
Cette elfe était une magicienne ? La créature maléfique avait fait une bêtise en la sous-estimant. En tout cas, il ne fit aucun mouvement avant que les menaces eurent été dites. Mais une fois finies, il se redressa en émettant un léger grognement et fit face à la magicienne, un sourire sadique aux lèvres et une lueur démente dans le regard.

« Cette forêt ne vous appartient pas pourtant, je me trompe ? Chacun est libre d’y circuler, quelque soit les idées qu’il a en tête. Et puis, vous n’êtes pas en mesure de donner des ordres à Ludwig. Il fait ce qui lui plait… avec qui il veut. » ajouta t-il en posant son regard sur le cadavre de sa dernière victime.

« De plus, si cela n’avait pas été elle, sans doute vos oiseaux seraient passés sous mes crocs… »

Sa voix était étrange, à la fois sadique et mielleuse. Et chose bizarre, il commençait en parlant de lui à la troisième personne du singulier et finissait à la première personne. Cela marquait bien son trouble psychologique.
Et soudain, alors que ses yeux fixaient toujours la jeune fille morte, une idée lui vint en tête. Et quelle idée ! Si l’elfe le prenait déjà pour un monstre, elle n’avait encore rien vu…
Ludwig avança vers le corps inerte et sortit de sa poche l’anneau qu’il pensait garder comme trophée de chasse. Il s’agenouilla devant le cadavre, du côté où il ne le cachait pas aux yeux de la magicienne et d’un geste délicat, presque amoureux, il remit l’anneau au doigt qui l’avait longtemps porté avant de poser ses lèvres sur la main maintenant gelée, faisait un doux baise main à la morte.

« La vie est courte,
Aimez, jeune fille,
Tant que le rouge de vos lèvres est encore vif… »

Il posa ses lèvres sur celles de sa victime, lui dérobant un chaste baiser, la salissant encore un peu plus moralement mais aussi physiquement avec les gouttes de sang qui lui restait sur les crocs, avant de continuer son poème, toujours à voix haute.

« Tant que votre sang chaud n’a pas tiédi,
Comme s’il ne devait pas y avoir de lendemain,
Malheureusement, votre sang en me voyant s’est glacé,
Cette chanson dit bien la vérité,
Vous ne pouvez plus vivre, vous ne pouvez plus aimer,
Votre vie s’en est allée,
Au revoir jeune fille aux lèvres si douces… »

Le vampire posa ses mains sur la poitrine généreuse et froide de la morte et ferma les yeux pour se concentrer. Quelques minutes plus tard, de la fumée apparut entre ses doigts puis ensuite de petites flammes. Il retira ses mains et l’elfe pu voir qu’il avait mit le feu à la pauvre malheureuse grâce à son pouvoir incendiaire.

« Que dîtes-vous de ce spectacle ? » demanda t-il d’une voix doucereuse en relevant la tête vers la magicienne. « Ne suis-je pas gentil au fond ? Je la salis puis je la purifie ensuite par le feu. » expliqua t-il calmement en se redressant et en faisant un pas en arrière pour admirer son chef d’œuvre.

Il ne fit aucun geste pour éteindre le feu qu’il avait créé et respira l’odeur de chaire grillée qui s’élevait dans l’air. Si l’elfe n’avait pas remarqué que le vampire était fou, là elle devait s’en rendre compte.

« Menacez-moi tant que vous voudrez ou utilisez votre magie ridicule sur moi et vous aurez le bonsoir de Ludwig et de son Maître dans le futur… » menaça t-il, son regard émettant une étrange lueur orangée.

Le changement de personne n’était pas volontaire, c’était juste que son problème réapparaissait, même s’il n’avait disparu que partiellement en l’espace d’un court instant. Et puis ses menaces, l’elfe ferait mieux de ne pas les prendre à la légère car Ludwig était des plus sérieux. Si jamais la jeune femme retendait quelque chose, tant pis pour elle, Maître Elric et son fidèle serviteur se feraient un plaisir de la retrouver et de la faire passer dans l’autre monde…

Ludwig n’avait pas très bien compris l’histoire de cette brume d’eau apparue comme par magie mais s’était dit que c’était encore la magicienne qui avait utilisé son don. Le corps de la victime disparu, il ne restait plus aucune trace du meurtre qu’avait commis le vampire, si ce n’était les légères brûlures sur l’herbe couvrant le sol de la forêt. Dommage, une personne aurait pu tomber sur le cadavre et donner l’alerte à tout le village qu’un tueur rodait dans les alentours. Mais la jeune elfe le voyait autrement. Tant pis. Ou plutôt tant mieux. Comme ça, Ludwig et son Maître Elric pourraient rester plus longtemps à l’abri dans leur maison. Par conséquent, il y aurait plus de meurtres. Mais ça, le fou se doutait bien que la jeune femme n’avait pas vu cela sous cet angle… Elle aurait dû…
Et, malgré les menaces qui s’abattaient sur elle, l’elfe continua sa mélodie. Qu’allait-il se passer maintenant ? Etait-elle capable de tuer Ludwig rien qu’en chantant ? Non. C’était impossible. Vu la pureté qui émanait de son âme, elle ne devait pas connaître de chanson de ce type. Elle ne devait être bonne qu’à contrôler quelques éléments et à parler aux animaux. Mais Dieu seul savait quels animaux habitaient cette forêt. Y avait-il des ours ? Des loups ? Des animaux démoniaques ? Sans doute un peu de tout. Mais le serviteur du Maître s’en fichait royalement. Rien ne lui faisait peur à part Elric. Lui seul avait eu la chance et la délectation de le voir trembler, de voir dans son regard une leur de peur. Il n’y avait que lui pour lui faire du mal. Mais Ludwig restait à ses côtés malgré les tortures qui lui étaient infligées. Son Maître l’avait choisi, lui faisait confiance. Ces tortures n’étaient qu’un test pour savoir si son serviteur était digne de le servir. Et à chaque fois, le vampire fou le réussissait. Il s’était même habitué à la douleur et y prenait goût.
Alors rien ne pouvait lui faire peur. Même pas le plus gros et le plus effroyable animal que la Terre puisse porter. Et lorsque qu’une brume plus épaisse que la précédente s’abattit sur l’endroit où ils se trouvaient, le jeune homme fut surpris mais ne trembla pas. Il resta à sa place, attendant la suite des évènements. La chanson de la magicienne parlait bien d’animaux, non ? Quel animal allait apparaître alors ? Ses ridicules oiseaux allaient l’attaquer de nouveau ? Un sourire s’esquissa sur les lèvres de Ludwig. Pathétique. Pitoyable. Ces animaux là n’avaient aucun poids sur lui. Ils ne faisaient que le blesser de façon très infime.
Mais par contre… Le gros morceau qui se tenait derrière l’elfe, lui pouvait lui causer beaucoup de dommages… Si le fou avait été humain. Etant vampire, il jouissait de la particularité et du don de se mouvoir à une vitesse très élevée. Si bien que par moment, on ne pouvait pas le voir passer d’un endroit à un autre.
La brume s’était levée, la lumière nocturne était de nouveau au rendez-vous et le cerf s’était mis à charger en sa direction. Ludwig eut un sourire en coin et son regard se focalisa sur l’animal.

* Viens mon coco, si tu crois que tu vas m’avoir…*

Il attendit encore quelques secondes, immobile, le regard fixe sur la tête du cerf. Et, au dernier moment, il sauta, attrapa les bois du cervidé mâle pour prendre appui afin que son saut se fasse plus haut. Coup de chance, le vampire réussit à se rétablir sur une branche d’arbre assez épaisse. Avec sa délicatesse et sa finesse, aucune chance qu’elle ne se brise sous son poids.
De son perchoir, il vit l’animal freiner, laissant des traces de son passage derrière lui. Il soupira. Quelle elfe stupide ! Cela se voyait qu’elle ne connaissait pas Maître Elric et son fidèle serviteur… Ludwig recula et s’adossa au tronc de l’arbre. Au moins, là où il était, aucun animal ne pouvait l’attaquer. A part peut-être des écureuils ou des oiseaux mais ça, ce n’était pas des ennemis très difficiles à tuer…

« Ta mère ne t’a-t-elle pas appris qu’il faut toujours écouter ce que disent les grandes personnes ? Enfin, les parents disent bien qu’il ne faut pas faire confiance aux inconnus donc tu es pardonnée de ce côté-là… » expliqua le fou d’une voix que l’on pouvait qualifier de mielleuse et de chaleureuse à la fois.

Changement étrange utilisé pour parler à la magicienne. Passer du vouvoiement au tutoiement… Cela ne présager rien de bon… Mais le serviteur n’avait pas trop envie de s’amuser en cet instant. Il voulait rentrer à la maison pour revoir son Maître. Mais quoi de plus mal poli que de laisser une jeune femme seule dans l’attente d’une partie de plaisir… Peut-être voulait-elle jouer avec lui. Alors il ne fallait pas la décevoir.

« Pourquoi m’avoir attaqué ? Je ne vous ai rien fait pourtant. J’ai même relâché votre oiseau… » fit-il remarquer d’une voix doucereuse en s’asseyant sur la branche et en regardant la magicienne de son perchoir.
« Maintenant, je vais être obliger de vous faire du mal. C’est dommage. Une si jolie fille… Vous manquerez sans doute à votre famille et à vos amis… »

Et voilà, il était repassé du tutoiement au vouvoiement : marque de la défaillance de son cerveau. Ludwig soupira de nouveau et ferma les yeux, posant sa tête contre le tronc de l’arbre sur lequel il était. Des menaces et même pas l’envie de les réaliser. Peut-être plus tard, si jamais leurs chemins se croisaient de nouveau…
Le jeune homme se remit à balancer sa tête de gauche à droite, comme s’il écoutait la suite la musique inexistante qu’il avait avant d’atterrir dans cette forêt. Il oubliait un instant l’elfe qui se trouvait plus bas, sachant très bien qu’elle pouvait s’attaquer encore à lui avec sa voix mélodieuse. Mais à cette pensée, sa tête se stoppa nette et Ludwig rouvrit les yeux, fixant un point invisible droit devant lui.

« Votre voix… Elle est sublime. » complimenta t-il sans pour autant la regarder. « Chantez-moi une chanson qui ne fasse pas partie de votre répertoire magique je vous en prie. »

On pouvait dire que sa demande était des plus inattendues. Lui qui l’avait menacée quelques minutes plus tôt était en train de lui demander de chanter, juste pour écouter sa belle voix. Quand on disait que le fou avait un comportement lunatique, c’était bien vrai. La jeune femme allait-elle lui faire le plaisir d’accepter ou… allait-elle refuser ?

Apparemment, Ludwig avait touché un point sensible chez la jeune femme. Sa famille, ses amis… Il ne lui restait plus rien à l’entendre. C’était comme lui, il n’avait plus de famille, plus d’amis… A part bien sûr son Maître bien aimé. Il était sa seule famille et le resterait pour toujours, aussi loin qu’ils seraient 'vivants', qu’ils ne se fassent pas tuer.
Et vint la suite des paroles. Elle croyait qu’un vampire n’avait peur de rien ? Elle disait qu’il n’était juste bon qu’à se plaindre et à faire des menaces en l’air ? Elfe stupide. Elle pensait ce qu’elle voulait, le fou n’en avait rien à faire. Il n’avait pas peur d’elle. Il n’avait juste pas envie de se battre, surtout avec le ventre plein. Et puis il la menaçait, oui, mais c’était pour la prochaine fois qu’ils se reverraient. A quoi bon la tuer maintenant alors qu’elle ne manquerait à personne ? Ce n’était pas drôle. Il était plus judicieux d’attendre qu’elle se fasse des amis ou même, qu’elle trouve l’amour. D’une personne d’une autre race qu’elle de préférence car, comme elle le disait, elle deviendrait mortelle. Il serait plus facile de la faire souffrir à ce moment là… Tant d’idées de tortures se bousculaient dans la tête du vampire. Il écorcherait d’abord les amis de la magicienne, juste devant ses yeux, ensuite, ce serait au tour de son petit ami. Et lorsqu’elle n’en pourrait plus de souffrir autant, il l’achèverait en prenant son temps. Etait-ce cela qu’elle appelait un vrai vampire ? Voulait-elle vraiment souffrir pour en avoir la preuve ?
En tout cas, Ludwig ne répondit rien, resta des plus silencieux. C’était mieux que des mots. Au moins, comme cela, l’elfe se demanderait sans doute à quoi il pense et se ferait de fausses idées… Tant mieux…
Et, malgré sa colère, elle accepta de se plier à la requête. Cette jeune femme était bien mystérieuse. Elle était imprévisible et c’était cette qualité qui plaisait au vampire. C’était rare pourtant de trouver des gens qui pouvaient encore le surprendre. Il pensait avoir presque tout vu dans sa longue vie de créature de la nuit mais cette magicienne lui démontrait le contraire. Tant mieux, cela voulait dire qu’il devait encore parcourir du chemin avant de se dire enfin qu’il connaissait tout sur tout.
La voix sublime de la jeune femme s’éleva. Le silence se fit tout autour d’elle, même le cerf qui avait été énervé se calma bien vite à l’entente de la mélodie. L’animal s’allongea même sur le sol mousseux, bercé par cette voix. Le comportement de Ludwig était tout autre. Lui aussi était bercé par cette chanson mais il ne regardait pas la magicienne. Son regard était toujours posé sur un point invisible devant lui, inexpressif. Il devait avouer qu’il aimait cette mélodie. Elle était si douce, si reposante… Il en ferma même les yeux pour être plus concentré sur les paroles. De l’anglais… Une des nombreuses langues qu’il connaissait et qu’il avait apprises lors de ses nombreux voyages aux côtés de Maître Elric.
Mais la chanson s’arrêta avant la fin. Que se passait-il ? Le fou rouvrit les yeux et les planta sur l’elfe. Elle restait debout, immobile. La lumière de la lune faisait briller les larmes qu’elle avait aux yeux et qui commençaient à couler sur ses joues pâles. Pourquoi pleurait-elle ?
Sans prévenir, le serviteur descendit de son arbre en sautant et se réceptionna sur l’herbe avec souplesse. Il avança calmement mais d’un pas félin vers la jeune femme, sa chaîne cliquetant à chacun de ses pas. Parvenu jusqu’à elle, il posa doucement ses mains sur ses épaules et la poussa sans lui faire de mal vers l’arbre le plus proche pour la plaquer à celui-ci, là aussi sans être brusque. Son regard rencontra le sien et il vit bien qu’elle se demandait ce qu’il allait lui faire. Sans un mot, il posa un de ses longs doigts fins sur ses lèvres et essuya de sa main libre les larmes qui inondaient ses joues.

« Une jolie fille comme vous ne devrez pas pleurer sans raison apparente. » murmura t-il calmement, comme si la toute petite part d’humanité qui lui restait refaisait surface.

Qu’avait-il en tête ? Ca, seul lui le savait et encore, ce n’était qu’un mélange flou d’idées. En tout cas, il ne pensait pas faire de mal à l’elfe. C’était un bon début. Mais si elle lui en faisait, peut-être changerait-il d’avis. C’était à ses risques et périls.

« Oubliez ce qui vous rend triste. Je n’aime pas voir les jolies filles pleurer si ce n’est pas moi qui suis la cause de leurs larmes… »

Paroles douces mais très étranges. Ce n’était pas le genre du vampire de parler ainsi. Mais la chanson l’avait tant touché qu’il ne voulait pas faire souffrir la chanteuse… Pour le moment.
Il baissa les bras et recula d’un pas, la dévorant du regard. Elle était encore plus belle vue de près avec tous ses bijoux, sa peau blanche, sa longue chevelure bleutée et ses yeux de la même couleur au regard pénétrant.

« Je vous laisse vivre et je ne vous fais aucun mal, vous devriez être contente, non ? Le sourire vous va mieux que les larmes. » termina t-il, cette fois-ci en souriant légèrement.

Voilà un nouveau Ludwig qui faisait son apparition. C’était plutôt rare de le voir avec un tel comportement. Se faire gentil après avoir tuer une innocente… Peu de gens changeaient du tout au tout à ce point là. Comment allait réagir la magicienne ? Le vampire lui faisait des compliments. Elle ne pouvait pas rester de glace face à cela, si ? En tout cas, le jeune homme préférait tout de même rester sur ses gardes. Le cerf était toujours derrière lui et puis l’elfe pouvait toujours chanter une de ses chansons magiques. Ce don était bien utile. Peut-être qu’en buvant son sang ce pouvoir pouvait être transmis, comme celui qu’avait eu en héritage Ludwig. Non, il ne fallait pas penser à cela, pas maintenant en tout cas. Attendre… Attendre encore… Cette jeune femme avait encore du temps devant elle avant de mourir. Il fallait qu’elle fasse encore du chemin, qu’elle se fasse des amis et qu’elle trouve l’amour. Ce serait mieux pour lui faire du chantage plus tard…

Vu la couleur rosée qu’avaient pris les joues de la jeune femme, elle était gênée par les compliments qu’elle recevait. N’était-elle pas habituée ? Elle possédait une grande beauté. Plusieurs jeunes hommes avaient bien dû le lui dire ou lui faire la cours. Cela aurait été étrange sinon. Et puis franchement, recevoir ses premiers compliments de la part d’un vampire tel que Ludwig n’était pas des plus sympathiques…
Après les paroles de l’elfe, le fou soupira calmement. Beaucoup ne faisait pas de différence entre immortel et invincible.

« Ne confondez pas immortel et invincible. Vous êtes immortel, Ludwig est immortel, on peut les tuer tous les deux. Par contre, dans le futur, Maître Elric et son fidèle serviteur seront invincibles. Personne ne pourra leur ôter la vie. Même pas les divinités elles-mêmes car Maître Elric deviendra lui aussi un dieu… »

Pour le serviteur, il n’y aurait pas de différences. Son Maître était déjà un dieu pour lui. Le dieu du malheur, du massacre, de la torture, de la mort. Lui, fidèle serviteur, ne faisait que l’aider dans son ascension vers le pouvoir. Bientôt, toute la Terre, tous les Cieux et même les Enfers seront sous le contrôle du Grand Maître Elric. Personne n’y pourra rien. Tout le monde devra lui obéir et son Ludwig sera sa main gauche et exécutera quiconque s’opposera au Grand Dieu de la Mort.
A cette pensée, un étrange sourire apparut sur les lèvres légèrement rosées du vampire et une lueur malveillante brilla dans son regard vert aux contours mordorés. Ce n’était qu’une question de temps, tout comme la mort de cette magicienne qui venait de le remercier de ne pas avoir profiter de sa faiblesse. Et en plus elle disait qu’il n’avait pas mauvais fond ! Qu’est-ce qu’il ne fallait pas faire pour lui lécher les bottes vraiment. Ce n’était pas ses paroles qui allaient la sauver de son destin désormais tout tracé qui était de mourir sous les crocs de Ludwig ou en offrande à son Maître. Et maintenant elle osait recommencer à le menacer ? Il aurait tout vu cette nuit !

« D’accord, la prochaine fois que nous nous reverrons toute cette discussion sera oubliée. Et… Pour vos oiseaux, j’ai bien compris. Mais que voulez-vous, je serai bien obligé de leur faire du mal. C’est dans ma nature… » répondit-il sur un timbre de voix où l’on pouvait sentir de nouveau un certain sadisme.

Mais il essaya de se calmer. Avec ses bêtises, la magicienne pourrait de nouveau se mettre à chanter et demander à tous les habitants de la forêt de s’attaquer à lui. Un long combat en perspectif donc mais aucune motivation de la part de Ludwig.

« Pour le bien-être de vos compagnons et le votre, ne croisez plus jamais la route de Ludwig et encore moins celle de son Maître. Lui sera moins clément que son serviteur. »

Autant la prévenir tout de suite, qu’elle ne soit pas surprise si jamais leurs routes se croisaient de nouveau. Ludwig ne la prenait pas en traître comme ça et puis, il lui apprenait que Maître Elric avait un caractère plus sadique que le sien. Mais que faisait-il là ? Il se montrait gentil envers quelqu’un ? Il fallait vraiment que la voix de cette elfe lui ait plu pour qu’il soit dans cet état.
En tout cas, il préféra redevenir comme précédemment ou du moins essayer. Il regarda autour de lui et se souvint que les vêtements de la morte se trouvaient toujours par terre. Il s’en approcha, prenant garde au cerf qui n’était pas encore parti, et les ramassa. Ils étaient humides. Quoi de plus normal après la brume de pluie qui s’était abattue quelques minutes plus tôt. Mais ils étaient propres, juste de petites gouttelettes de sang tachaient l’encolure de la robe. Et ce parfum qui s’était imprégné dans le tissu… C’était celui-ci qui l’avait aidé à retrouver la pauvre victime sans même regarder où elle allait. Enfin… Elle n’était plus qu’un lointain souvenir maintenant.
Le vampire plia soigneusement les habits et les plaça entre son pantalon et sa chaîne afin qu’ils ne tombent pas. On ne savait jamais. Ils pouvaient toujours servir… A quoi ? A bien des choses, même pour un homme. Il ne fallait pas s’inquiéter, Ludwig trouverait bien plusieurs utilités… Et même une lui vint en tête à l’instant. Son Maître allait adorer. Surtout que celui-ci n’avait pas dû sortir de la maison encore cette nuit. Il s’entraînait avec ses cartes sur deux victimes qu’il avait chassées il y a trois nuits de cela. Elles étaient encore vivantes mais ça n’allait pas durer…

« Vous savez, vous avez dit tout à l’heure que je ne devais pas être si mauvais. Vous vous trompez. C’est comme une insulte ce que vous m’avez dit. Mon but est de devenir comme mon Maître bien aimé. Je ne désire pas ressembler à une femmelette. Je suis prêt à tout pour atteindre le niveau de Maître Elric, à tout. Ce que vous avez vu là est insignifiant comparé à ce que je peux faire d’autre. Souvenez-vous en. C’est un conseil. »

Sa voix était redevenue froide et menaçante mais c’était normal car il ne plaisantait pas. Il était prêt à tout pour faire souffrir ceux qui seraient sur son chemin, qu’ils soient innocents ou non. Dans le passé, il avait torturé tellement de monde, abusé tellement de gens. Il avait même joué les incubes dans un petit village. Il aimait voir la terreur et la souffrance dans les yeux de ses victimes…

« Dîtes-moi… » commença t-il en retournant de nouveau face à la magicienne. « Connaissez-vous une incantation qui rend temporairement son âme à une personne qui l’a perdue ? Je serais intéressé de savoir ce que ressentent les êtres inférieurs aux vampires et autres créatures démoniaques lorsqu’ils ont fait tellement de morts derrière eux… »

Souffrir en ayant tellement de morts sur la conscience… Ce devait être magnifique. Les créatures douées d’une âme devaient s’en mordre les doigts les pauvres. Elles devaient être pathétiques lorsqu’elles réalisaient qu’elles avaient ôté la vie. Tellement de larmes versées, de remords ressentis… Tout bonnement magnifique. C’était le mot. Ludwig donnerait cher pour ressentir tout cela un jour… Est-ce que ça pourrait le changer lorsqu’il redeviendrait aussi sadique que maintenant ? A voir…

Le sourire de Ludwig disparut complètement lorsque l’elfe lui apprit qu’elle ne connaissait pas ce type de mélodie. Dommage. Cela aurait été amusant à expérimenter. Peut-être trouverait-il plus tard un magicien ou une magicienne digne de ce nom. Son maître était-il capable d’un tel pouvoir ? Maintenant qu’il s’entraînait beaucoup avec ses cartes, il avait dû apprendre un tas d’incantations… Il lui demanderait. Cette idée allait sûrement l’amuser.
En tout cas, pour le reste des paroles de la magicienne, le vampire ne pu s’empêcher d’avoir un rictus. Elle osait le menacer de nouveau ? Si elle continuait à le chercher ainsi, elle le trouverait. Peu de gens lui lançaient des menaces sans qu’il y ait de retour.
Le cerf se mit à bramer, les oiseaux à piailler. Qu’avaient-ils ? Remarquaient-il que maintenant le danger représenté par Ludwig ? Les animaux étaient bien bêtes tout comme le reste des créatures qui peuplaient cette Terre. A part Maître Elric, bien entendu. Seul lui était doué d’une intelligence et d’une capacité de réfléchir hors du commun. Et son serviteur était entre lui et les autres créatures. Il avait encore tant à apprendre de lui… Son Maître…
La jeune femme appela ses oiseaux et leur demanda de se taire. Bonne décision parce que leurs piaillements commençaient à agacer le vampire. C’était comme s’ils lui demandaient de leur servir la mort sur un plateau doré. Malgré cela, leurs prénoms étaient bien étranges. Aiedail… Saphira… Ce dernier ressemblait à peu près à quelque chose aux oreilles du fou. Au mot saphir… Mais l’animal était bien loin d’avoir la beauté de cette pierre. Enfin…
Tout le monde avait l’air de se demander ce qu’allait faire Ludwig. Il était comme le personnage principal de cette scène. Le spectacle avait commencé par la mort d’une innocente mais, allait-il finir de la même manière ? Non… Le serviteur avait dit clairement qu’il ne lui ferait aucun mal. La fin serait une belle histoire d’amour qui prendrait vie autour des deux principaux protagonistes ? Mmm… Aucune chance. Même en rêve.
Ne sachant pas quoi faire, la créature nocturne tendit sa main droit devant lui et la regarda. Quelques instants plus tard, une petite flamme y brillait. Son regard remonta vers l’elfe et il regarda la lueur de la source de chaleur et de lumière donnait un bel éclat dans les bijoux de la magicienne ainsi que dans ses beaux yeux bleus. Ce serait bête que le vampire souffle sur cette flamme et que celle-ci aille embraser les vêtements de la jeune femme. Oui, très bête. Allait-il le faire ? Non… Pas ce soir. Il lui avait dit qu’il ne lui ferait aucun mal pour l’instant.

« Vous savez comment j’ai pu acquérir un tel pouvoir ? En tuant un magicien, il était bien plus puissant que vous. Il vous contrôlait tous les éléments… C’était géant ! » s’exclama t-il, le souvenir le rendant nostalgique. « Dommage que je n’ai eu que celui de feu. Depuis ce jour, je cherche des gens qui puissent contrôler au moins un élément mais apparemment, on ne peut pas toujours en hériter par le sang. »

Il referma la main dans un geste rapide et inattendu, éteignant ainsi la petite flamme. D’un pas léger, il s’approcha de nouveau de l’elfe et passa sa main rendue chaude par le feu sur sa joue si pâle et à la peau si douce, la caressant presque tendrement.

« Votre pouvoir est bien complexe. L’eau, les animaux, le vent… Comment pourrait-on le définir ? Mmm… Je l’ignore. Mais puisque les menaces vous plaisent comme j’ai pu le constater, je peux vous en faire une autre pour que vous daigniez vous taire. Votre pouvoir m’intéresse. Ce soir, je vous ai dit que je ne ferai rien mais plus tard, lorsque nous nous reverrons, prenez garde. Ca me ferait quand même de la peine de vous faire du mal. Vous êtes si belle, si jeune, si imprévisible… » finit-il par dire dans un murmure, rapprochant son visage de la magicienne, comme s’il allait l’embrasser bien qu’il laissa bien deux centimètres entre leurs lèvres.

Là, l’elfe avait bien dû découvrir la plupart des visages de Ludwig. Vampire sadique, fou, gentil, imprévisible… Et en cet instant, charmeur. Il s’attendait à être repoussé mais restait la fixer dans les yeux, se noyant dans le bleu de ses yeux, ne bougeant pas d’un pouce. Qu’allait-elle faire ? Se remettre à chanter ? C’était risqué car dès qu’elle ouvrirait la bouche, le fou aurait pour réflexe de la faire taire. Alors… Ses oiseaux allaient-ils s’attaquer à lui ? Ce n’était pas cela qui allait lui faire peur et lui faire mal. Les blessures occasionnées par le bec d’un des deux volatiles étaient complètement guéries à l’heure qu’il était. Le cerf allait-il le charger ? Trop dangereux, il pourrait blesser en même temps la magicienne.
Pourtant, quelque soit l’une de ces solutions, elle n’avait pas lieu de se faire. Ludwig ne ferait pas de mal à la jeune femme. Il le lui avait dit à plusieurs reprises. Qu’elle lui fasse confiance au moins sur ce point.

Ludwig restait immobile, attendant une réaction de la part de la jeune femme. La première fut une grimace. Charmant… Et très malpoli. Il lui offrait ses lèvres et elle n’était pas capable de saisir l’occasion pour lui voler un baiser ? Où était passé le romantisme de nos jours franchement ? Enfin, après ce que lui avait dit le vampire, c’était normal qu’elle n’agisse pas de cette façon.
Le souffle chaud de l’elfe l’excitait à moitié. Cela lui donnait envie de franchir les deux centimètres qui restait à parcourir afin d’apposer ses lèvres froides sur ses jumelles roses et pulpeuses. Mais il ne fit rien. Il voulait se prouver qu’il pouvait réfréner ses pulsions quelque peu animales.
Et sans indice qui aurait pu le prévenir des intentions de la magicienne, le fou se fit cracher au visage et fusillé du regard par les beaux yeux bleus qui lui faisaient face. Ludwig resta un instant sans rien faire, avant de reculer d’un pas, regardant l’elfe baisser la tête. Dieu qu’elle semblait gênée. Elle n’était même pas capable d’assumer les conséquences de ses actes. Faible. Elle était faible malgré tous ses pouvoirs qui ne lui servaient qu’à se défendre. Elle les utilisait parce qu’elle n’était pas capable de se défendre toute seule sans doute.
D’un geste lent, il remonta sa main droite vers son visage et à l’aide d’un doigt, essuya la salive de la jeune femme. Après ce qu’elle venait de faire, dégoûtant ou pas, Ludwig passa la langue le long de son doigt et lécha la salive qui le recouvrait. C’était un peu comme un baiser en fin de compte. Le vampire avait recueillit la salive de la belle dans sa bouche…
Ses yeux se reposèrent de nouveau sur le haut du crâne de l’elfe qui avait toujours la tête baissée. Son regard n’était nullement colérique, malgré ce qui venait de se passer. Une lueur d’amusement y brillait même, ainsi que de la perversion. Mais à l’entente de son prénom, la froideur revint. Et, ne se rendant pas vraiment compte de ses gestes, Ludwig saisit la jeune femme par le cou et la plaqua de nouveau sur l’arbre qui se trouvait derrière elle, mais là, sans délicatesse.

« Seul mon Maître a le droit de m’appeler comme ça ! Vous êtes un être inférieur ! Vous me devez obéissance et respect ! » s’écria t-il, fou de rage, prêt à lui tordre le cou à cette petite sotte.

Non mais pour qui se prenait-elle ? Une elfe… Pff ! Des êtres insignifiants aux oreilles taillées en point, incapables d’aimer quelqu’un extérieur à leur race sans devenir mortel, leurs corps vieillissant très lentement, comme les vampires… Peut-être bien que cette impertinente possédait une belle voix mais qu’elle s’en serve pour chanter au lieu d’être impolie et vulgaire ! Elle avait beau s’excuser, c’était trop tard ! La bombe était lancée et seul Ludwig pouvait la contrôler et encore, pas complètement. Seul son Maître Elric le pouvait.

« Excuses-toi ! Excuses-toi ! » répéta t-il en criant à moitié.

Avec la force vampirique qu’il pouvait déployer dans ses muscles, il obligea l’insolente à se mettre à genoux devant lui, à ses pieds.

« Supplie-moi de ne pas te faire du mal ! Supplie-moi ! Ou je te coupe la langue pour que tu ne chantes plus jamais et que tu n’insultes plus la hiérarchie des êtres de cette Terre ! Avoue que je suis supérieur à toi pauvre sotte ! »

Ah oui, un des visages que n’avait pas encore eu l’occasion de voir la magicienne était celui-là, celui du Ludwig fou de rage et dominateur. Qu’elle essaye de chanter pour se sauver de ce pétrin et le vampire lui casserait les dents à l’aide de son genou. Que ses oiseaux essayent de le déconcentrer et ils termineraient comme des poulets grillés ! Elle aurait mieux fait de s’en tenir à lui cracher au visage.
La tenant fermement par les cheveux, le serviteur n’était pas prêt de lâcher, pas temps qu’il n’aurait pas enttendu ce qu’il avait envie d’enttendre. Qu’elle se dépêche car Ludwig n’était plus aussi patient qu’en temps normal. On pouvait le savoir avec sa façon de parler qui n’était plus aussi soignée que précédemment. Pourquoi devait-il être poli avec cette jeune femme alors qu’elle ne l’était pas avec lui ?
En tout cas, si elle ne lui obéissait pas, le vampire lui ferait bien plus que de lui couper la langue. Il tuerait ses maudits oiseaux et les lui ferait manger de force. Bon, comme il pouvait être gentil par moment, il les cuirait avant de les lui donner. Ensuite… Que pourrait-il bien faire ?.. Tant d’idées se bousculaient encore dans sa tête. Il fallait qu’il se concentre pour évacuer les moins originales. Lui couper les cheveux et s’en faire une belle perruque. Avec les habits de son ancienne victime, cela lui ferait un beau déguisement, non ? Pour terminer, il en ferait cadeau à son Maître. Il serait content de l’avoir pour s’entraîner avec ses cartes. Les deux prisonnières du moment devraient être remplacées dans quelques jours…

Ludwig attendait les excuses et les supplications de l’elfe… Mais elles ne vinrent pas. Elle osait lui tenir tête ? A lui ? Le serviteur de Maître Elric ? Main gauche du futur Dieu de ce monde de faibles ? Le vampire serra les dents, pour éviter de lui faire plus de mal. Il savait qu’il lui avait dit qu’il ne lui ferait rien mais elle avait prit le risque de le mettre en rogne. L’appeler par son prénom… Seul son Maître en avait le droit. Seul lui était plus puissant que lui et pouvait montrer sa supériorité en le rabaissant ainsi. L’appeler par son prénom, le torturer, lui faire faire les choses qu’il n’avait pas envie de faire… Maître Elric le testait constamment pour savoir si le fou était toujours aussi apte à le servir. Ludwig resterait à ses côtés jusqu’à la mort, et même après.
La magicienne réussit à relever la tête et le vampire la regarda, ne cillant pas un instant. Il n’y avait aucune peur dans ses yeux, elle avait l’air d’aimer ça. Etait-elle maso ? C’était ce que pensa le fou avant de savoir les réelles intentions de l’insolente. Les yeux de celle-ci virèrent aux violets et avant même de comprendre ce qui se passait, Ludwig se fit aveugler. Tout était noir autour de lui. Il ne voyait plus rien. Même pas une seule et légère lumière. Il lâcha précipitamment la jeune femme et recula, passant ses mains devant l’orbite de ses yeux pour savoir s’il ne rêvait pas. Il avait beau essuyer ceux-ci mais rien à faire. Rien ne les couvrait.
Il trébucha sur une pierre et se retrouva à terre. Que lui arrivait-il ? C’était comme si… quelque chose le contrôler. Impossible ! Il ne pouvait pas être possédé. Alors, qu’était-ce donc cette force qui l’empêchait de se relever ? Etait-ce… cette magicienne qui le contrôlait ? Etait-elle si puissante que ça ? Non… Non… Il l’avait encore sous-estimée. En plus de pouvoir contrôler quelques éléments de la nature, elle pouvait contrôler le corps de ses ennemis. Ludwig bouillait de rage mais ne pouvait rien faire. Sa vengeance serait terrible ! Son Maître allait l’y aider. Il le fallait. Le serviteur ferait tout ce qu’il voudra pour l’en remercier.
Hors de lui, il ne répondit rien à la demande de l’elfe. Elle voulait qu’il lui demande pardon ? Mais pourquoi ? C’était elle qui avait commencé ! Elle avait insulté la hiérarchie des êtres. Il était supérieur à elle. Qu’elle le respecte ! Au lieu de cela, elle se servait encore de ses pouvoirs, incapable de faire quelque chose sans eux. Pathétique ! Encore ce mot qui lui revenait en tête lorsqu’il pensait à cette sotte. Qu’elle fasse tout ce qu’elle voulait avec lui, il s’en fichait. Cela ne faisait que lui procurer plaisir. Il aimait souffrir. Cela lui endurcissait le caractère.
Si bien que lorsque la jeune femme le redressa et le propulsa vers l’arbre qui se trouvait derrière lui, il ne pu s’empêcher de sourire sadiquement. Qu’elle le torture autant qu’elle le voulait, il en raffolait. Il aimait souffrir. Plus on lui faisait ressentir de la douleur, mieux c’était. Ca forgeait le caractère. Ca lui donnait plus d’idées de tortures. Ca lui montrait ses limites.
Plaqué contre le tronc de l’arbre se trouvant contre son dos, Ludwig entendit l’elfe se rapprocher de lui. Il avait peut-être perdue la vue mais pas son ouie fine. Elle avait beau marcher à pas légers, il savait où elle était. Puis il sentit son souffle chaud sur ses lèvres. Elle voulait lui faire comme il lui avait fait ? N’avait-elle donc pas d’imagination ? Sans ses pouvoirs et sans ses idées copiées sur les autres, elle n’était finalement pas extraordinaire. Une elfe des plus simples et des plus faibles. Mais celle-ci innova un peu, lui offrant ou plutôt lui volant un baiser. Ses lèvres étaient chaudes, douces. Ludwig se laissa faire. Pouvait-il faire autre chose en fait ? Mais… Oui, le pouvoir qu’elle exerçait sur lui n’agissait plus. Mais il n’en profita pas pour autant, lui rendant même son baiser. Elle voulait jouer à ce jeu ? Très bien. Elle ne connaissait pas le vampire. Il pouvait aller plus loin si elle le souhaitait, très loin…
Leurs lèvres se séparèrent, le baiser était fini. Il n’avait pas duré assez longtemps au goût du fou. L’elfe recula, du moins c’était ce qu’en déduit le vampire à l’entente des bruits de ses pas légers. Sa vue revenait peu à peu mais lentement. Il recommençait à voir les contours des arbres et des autres éléments qui l’entouraient.
La magicienne le nargua. Bien sûr qu’il savait que son pouvoir avait cessé son emprise sur lui lorsqu’elle avait commencé à l’embrasser. Il n’était pas bête. Et pourquoi trouvait-elle cela surprenant qu’un vampire se laisse embrasser par une elfe ? Ce n’était pas une insulte. Enfin pas pour lui… Elle l’avait embrassé, lui, une créature de la nuit, un meurtrier… Elle était comme salie d’un côté.

« Pourquoi pensez-vous cela ? Ce n’est pas honteux. De plus… Ludwig vous a rendu votre baiser. » fit-il remarquer sur un ton mystérieux.

Peut-être s’était-il trompé. Tout cela allait finir entre une histoire d’amour entre eux… Pfff. N’importe quoi. Cette idée l’amusa intérieurement. Enfin… Si elle voulait jouer dans ce sens là, elle n’était pas sûre de gagner…
Ludwig, retrouvant peu à peu sa vue, avança vers l’elfe tout en essayant de la regarder dans les yeux. Il passa sa main droite dans le dos de la jeune femme, la posant vers le bas mais au dessus de ses fesses et la remmena vers lui, contre lui.

« Vous plais-je donc chère demoiselle ? Pourquoi m’avoir voler ce baiser sinon ?… » demanda t-il en la tenant toujours contre lui et en plongeant son regard de moins en moins aveugle dans celui de couleur bleutée de la magicienne.

Elle pouvait de nouveau lui faire mal, ça n’avait plus d’importance. Maintenant que sa digestion était en partie faite, il était d’humeur à jouer.

« Vous avez profité de ma faiblesse alors qu’un peu plus tôt vous me remerciez de ne pas l’avoir fait. Ne puis-je donc pas vous faire confiance ma belle princesse ? » demanda t-il, oubliant les menaces qu’il avait pu lui faire.

Parce que ces menaces, elles n’étaient pas sans raison. Déjà, l’elfe l’avait appelé par son prénom mais précédemment, elle lui avait bien fait du mal alors qu’il ne lui avait rien fait. Ce n’était que sa dernière victime qui avait eu à faire à son envie meurtrière… Ils étaient à peu près quittes, même si maintenant, le baiser qu’elle lui avait volé rentrait en compte. Qu’allait-elle répondre à cela ?...

Ludwig fut content que son étreinte produise des frissons chez la jeune femme. Mais était-ce des frissons de plaisirs ? De peur ? De dégoût ? Peu importait. Au moins, elle ne restait pas de marbre à ce qui lui arrivait. Qui en serait capable de toute façon ? En tout cas, elle semblait un peu perdue. Si bien que lorsqu’elle prit la parole, son mensonge se fit bien sentir. Et intérieurement, le vampire jubila. Il lui plaisait donc ? Ce n’était pas tous les jours qu’il entendait cela… Sûrement parce que ce n’était pas ce qu’il cherchait. L’amour, cela ne l’intéressait pas. Il voulait se vouer corps et âme à une seule personne et cette personne, c’était son Maître Elric.
Les joues pâles de l’elfe prenait peu à peu feu. Elle était gênée. Cela montrait encore plus qu’elle n’était pas crédible. Et dans le malaise qu’elle ressentait, elle se permit même de plaisanter sur la dernière victime de Ludwig. Pauvre jeune femme. Si elle avait eu une tombe, elle se serait retournée dedans. Ce n’était pas très sympathique de parler des morts comme ça…
Légèrement surpris, le fou laissa néanmoins la magicienne lui entourer la taille de ses bras fins. Avec ce changement de comportement, il était dur de croire qu’elle ne jouait pas la comédie. Enfin… On pouvait toujours continuer dans son jeu.
Sans même faire attention au cœur de la jeune femme qu’il sentait battre contre son torse, il savait que celui-ci battait la chamade. Il était un vampire. Les vampires pouvaient entendre le sang circulant dans le corps de leurs victimes lorsqu’ils y faisaient attention. Intéressant… Etait-ce de la peur ou alors le fait d’être aussi près de lui ?
En tout cas, les paroles de la magicienne le fit légèrement sourire mais intérieurement. Ce qu’il ressentait à ce moment ? Si elle le savait, elle fuirait… Autant garder le silence de ce côté-là… Mais s’il ne disait rien, cela paraîtrait suspect donc il prit la parole, prenant un air un peu perdu. Contrairement à l’elfe, il était un maître dans l’art de mentir et de berner les gens.

« Je… C'est-à-dire que… » fit-il mine de commencer avant de faire exprès de se sentir tendu lorsqu’il sentit la main de la jeune femme remonter dans son dos.

Il déglutit, faisant croire que ce simple geste était des plus pénibles à réaliser. Son visage montrait un certain malaise, comme si le fait de savoir que soit disant quelqu’un s’intéressait à lui lui était complètement inconnu et qu’il ne savait pas comment agir en conséquent.
Et au summum de son jeu de jeune homme puceau pas du tout habitué à être enlacé, il se défit de l’étreinte de l’elfe. Son regard, ayant complètement récupéré sa vue, ne cessait de fixer la jeune femme dans les yeux, faisant semblant de chercher si elle ne jouait pas avec lui alors que cela devrait être l’inverse.

« Vous n’êtes pas sérieuse… Personne n’aime Ludwig. Personne d’autre que son Maître. Vous me menez en bateau ! » dit-il, faisant croire qu’il était énervé par ce qu’il venait d’apprendre. « Vous jouez avec mes sentiments ! Juste parce que je me montre plus gentil, plus doux avec vous qu’avec les autres. Vous en profitez. C’est… C’était pour jouer que je faisais cela moi. Ce n’était pas parce que… je vous trouve attirante. »

La fin de la phrase avait été dite sur un ton incertain. Comme s’il ne se rendait compte que maintenant qu’il ressentait quelque chose pour la jeune femme. Mais en fait, il en était tout autre. Ce n’était que pour marcher dans son jeu qu’il disait de telles âneries. Et il était bien difficile de croire que tout n’était que mensonge…

« Je ne pensais pas vous faire du mal mais… vous feriez mieux de partir. Je n’aime pas qu’on joue avec moi dans ce sens là. » avoua t-il sur le ton de la menace.

Peut-être qu’avec un peu de chance, la magicienne croirait que le fait qu’il lui ait dit qu’il ne lui ferait pas de mal était parce qu’il avait un faible pour elle… Ce serait tellement bien qu’elle pense cela. Elle tomberait encore plus dans son piège…

« Partez ! » s’écria le vampire, faisant semblant d’être à bout de nerfs.

Il avança sans prévenir vers elle et la bouscula pour pouvoir passer sans la contourner et aller derrière un arbre, quelques mètres plus loin. Il se laissa glisser contre le tronc, prenant un air malheureux avant de rapprocher ses genoux de son corps et de les entourer de ses bras, engouffrant son visage entre ceux-ci. Il se força même à pleurer pour mieux rentrer dans son rôle de pauvre garçon qui ne demandait qu’un peu de tendresse dans ce monde de brutes. Etait-il crédible ? Il l’espérait. Mais sans doute qu’avec ses sautes d’humeur cela paraîtrait vrai. Il n’y avait plus qu’à espérer…

En position fœtale contre l’arbre, Ludwig continuait de pleurer. Maintenant, il n’avait plus à se forcer, les larmes coulaient d’elles-mêmes sur ses joues blafardes. Pour lui, jouer la comédie était très facile. Il n’avait qu’à rentrer dans la peau du personnage qu’il devait jouer et se laissait submerger par les sentiments de celui-ci. Lui en lui-même ne comptait plus. Il n’assistait qu’en spectateur à ce qui se déroulait sous ses yeux. Ce n’était plus vraiment le vrai Ludwig qui se présentait à la magicienne.
Celle-ci s’approcha de lui. Visiblement, elle croyait qu’il était sincère. Très bien. Il ne pouvait pas en être autrement de toute façon. Le jeu d’acteur du vampire était impeccable. Alors, dans son état de grande tristesse, il se laissa faire. La jeune femme glissa une main dans ses cheveux et, prenant un air surpris, le fou leva la tête, plongeant son regard embué de larmes dans celui de sa vis-à-vis. Il y lisait de la douceur, de la tendresse. Ce n’était pas tous les jours qu’il pouvait voir tout cela dans le regard d’une femme. Cela faisait même très longtemps qu’il n’avait pas vu un regard pareil. Et pendant une fraction de seconde, il se surprit à penser qu’il voulait que beaucoup de monde le regarde de cette manière, même son Maître. Mais c’était impossible. Il était un vampire, un vampire des plus sanguinaires que la Terre n’eut jamais porté auparavant. Il ne pouvait pas se permettre d’avoir de telles pensées.
Mais ce ne fut pas pour autant qui cilla du regard. L’elfe lui effaça d’un geste doux ses larmes et lui releva un peu plus la tête. Que cherchait-elle dans son regard ? S’il jouait la comédie ou s’il était vraiment sincère ? Ca, jamais elle ne pourrait le voir… Une fois que Ludwig était rentré dans la peau de son personnage, personne ne pouvait savoir si c’était vraiment lui ou un rôle qu’il avait confectionné.
Puis vint les paroles de la magicienne. Si on lui avait déjà dit qu’il était magnifique ? Oui… Enfin peut-être… Ce n’était pas le genre de choses qu’il gardait en mémoire… Les paroles qui suivirent étaient bizarres par contre. Elle lui demandait de lui mettre une gifle pour que ses joues puis son corps se réchauffent ? Non, il ne ferait pas cela. La violence n’entrait pas dans la composition de son personnage. Pour le moment, il n’était que tristesse, douceur, tendresse, désespoir… Rien que des sentiments de faiblesses. Alors, malgré les vœux ou les pensées de la jeune femme, Ludwig ne profiterait pas de sa fatigue pour lui faire du mal. Son rôle de garçon tout triste devait rester intact. Il ne fallait pas laisser la place aux imperfections. Alors, sans bouger, il la regarda essayer d’enlever les tâches de verdure sur sa robe. Ce n’était pas en frottant comme ça qu’elles allaient partir. Cela aurait été bien trop facile sinon. Il fallait de l’eau et du savon pour qu’elles s’en aillent ou du moins disparaissent en partie. Mais… Peut-être que le vampire pouvait donner la robe qu’il avait pris à sa dernière victime… Non. Pas pour le moment en tout cas. Il voulait encore profiter un peu de la situation.
Ce fut donc pour cela qu’il entoura de ses bras les épaules de l’elfe. Elle avait un si beau sourire. Sans doute ne dirait-elle rien s’il l’enlaçait de nouveau… Il avait besoin de tendresse, de douceur. Et là, ce n’était pas son personnage qui en avait besoin mais bel et bien lui. Cela faisait si longtemps que personne ne l’avait tenu dans ses bras et lui avait parlé aussi gentiment. Le fou la croyait sincère. Le devait-il ? C’était un risque à prendre.
Il poussa doucement la jeune femme en arrière, afin que celle-ci soit allongée sur l’herbe. Tout au long de l’action, il ne l’avait pas lâché, la gardant tout contre lui. Ses jambes étaient de chaque côté de celles de la magicienne, de façon à ce qu’il ne l’écrase pas sous son poids.
Pour le moment, rien de pervers ou de maléfique ne lui passait en tête. Il avait juste un grand besoin d’affection. L’elfe pouvait se considérer heureuse de cette marque de faiblesse de la part du vampire car là, il avait laissé de côté son personnage pour revenir lui à la réalité.

« Vous sentez si bon… » murmura Ludwig en plongeant son visage dans le cou de la jeune femme.

Entendre le sang de celle-ci circuler dans sa jugulaire gauche lui donnait envie d’y goûter. Mais il ne fallait pas. La seule personne qui lui apportait de la tendresse dans ce monde c’était celle qui se tenait sous lui.
Alors, pour ne pas lui faire croire qu’il allait la mordre, il posa juste ses lèvres dans son cou avant de relever la tête et de la regarder dans les yeux. Son regard n’était plus maléfique ni pervers. On pouvait même se demandait si le jeune homme était fou bien qu’une toute petite lueur le laissait encore deviner.

« Ne vous inquiétez pas pour votre robe, je vous donnerai celle que j’ai… » expliqua t-il, toujours dans un murmure, comme si parler à voix haute aurait détruit l’ambiance qu’il avait construit.
« Est-ce que… Je vous fait encore de la peine ou… peur ? » demanda t-il à voix basse, une lueur étrange refaisant surface dans ses yeux couleur émeraude.

Il posa son front sur celui de la magicienne et soutint son regard, remontant une de ses mains pour la glisser dans sa chevelure bleutée. N’importe quelle personne qui serait passée à côté d’eux à ce moment là aurait cru voir un couple en plein moment de tendresse. N’était-ce pas mignon ?

Ludwig sentait bien que la jeune femme avait peur. Mais il ne fallait pas. Pas pour le moment en tout cas. Pour le moment, le vampire était carrément l’opposé de ce qu’il était d’habitude. Mais peut-être pas pour longtemps. La folie lui faisait faire des choses étranges dont un changement de comportement radical.
En tout cas, lorsque l’elfe lui expliqua qu’elle ne voulait pas de la robe de la défunte et qu’elle préférait laver la sienne un peu plus loin, le fou acquiesça calmenent d’un signe de tête. C’était comme elle voulait. Pas la peine d’insister. De toute façon, Ludwig avait envie de garder cette robe. Elle était très belle malgré les petites gouttelettes de sang qui tachaient l’encolure. Malgré ce léger détail, elle lui servirait bien un jour ou l’autre dans l’un de ses plans…
Lorsque la magicienne lui avoua qu’il lui faisait ressentir un peu de peur mais nullement de la peine, le vampire se dit qu’elle était sincère. Du moins, d’après son regard et l’intonation de sa voix, elle l’était. Bien… Donc, malgré son jeu pour ressembler à un jeune homme triste, il inspirait encore de la peur. Peut-être était-ce à cause de son changement de comportement aussi soudain et à ses actions des plus étranges et imprévisibles.
Ludwig attendit que l’elfe se redresse et se mette à genoux juste devant lui, lui-même en fit fait de même pour lui redonner sa liberté pour bouger. Que révélait la lueur qui brillait dans son regard ? Voulait-elle vraiment le savoir ? C’était dangereux… Pourquoi l’avoir enlacé de la sorte ? Ca aussi elle voulait le savoir ? Quelle curieuse faisait-elle ! Et elle espérait vraiment que le vampire réponde à tout ceci ? Elle avait de l’espoir à revendre cette petite…

« Cette lueur… » commença t-il en se levant et en reculant d’un pas pour s’adosser au tronc se trouvant derrière lui. « … révèle que… comment dire… des idées pas très catholiques m’ont traversé l’esprit. » avoua t-il, retrouvant son sourire rempli de perversité.

Il croisa les bras sur son torse, fixant sans ciller la jeune femme, guettant sa réaction. La pauvre… Elle l’avait cru ? Elle avait marché dans son jeu ? Petite sotte… Il n’y avait eu qu’un moment où il avait été lui-même. Ce moment avait été lorsqu’il avait enlacé la magicienne pour ressentir un peu de tendresse pendant quelques instants. Ca l’avait… revitalisé ? Ca se disait pour un vampire ? Faisons comme si…

« Je vous trouve très attirante, je l’avoue mais… votre pureté m’insupporte. J’espère que lorsque l’on se reverra votre âme aura quelque peu noircie. Sinon, je m’en chargerai… Je vous souillerai d’une manière ou d’une autre, soyez en certaine belle demoiselle… Mais… Au fait, quel est votre nom ? Vous ne l’avez pas dit à Ludwig. Il aimerait tant mettre un nom sur ce beau visage qu’il a souillait pour le moment d’un baiser… » dit-il en souriant de toutes ses dents, fier de l’effet qu’il pouvait produire sur la magicienne.

Quelle serait la réaction de celle-ci ? Laisserait-elle passer cela ? Lui ferait-elle du mal ? Agirait-elle comme il lui demandait ? Mmm… Aucune chance. Elle avait un caractère bien trempé. Du moins c’était ce que pensait Ludwig avec le peu qu’il avait connu durant cette rencontre.
Le vampire leva la tête. Le feuillage des arbres était dense. On ne pouvait pas voir la lune mais il pouvait sentir sa présence. Il était plus que temps de rentrer à la maison. Son Maître l’y attendait. Dès que l’elfe lui aurait donné sa réponse, si réponse il y avait, il rentrerait…

[ Dsl pour la longueur du message, j'ai plus d'inspi v__v ]

Toujours adossé à l’arbre, les bras croisés sur son torse, Ludwig se délectait de la situation. Même si l’elfe était énervée, elle n’en était pas moins mal à l’aise. Elle voulait se montrer forte mais à chacun ses faiblesses. Dans le cas de la magicienne, c’était d’être trop directe et franc avec elle. Ca la décontenançait. Elle ne devait pas être habituée à tant de franchise, surtout après s’être fait avoir de la sorte par un vampire.

« Arwen… C’est vraiment un prénom elfique ça… Mais c’est beau. » avoua le fou, d’un ton neutre.

Il soupira. L’heure était venu pour lui de s’en aller rejoindre son Maître. Il était tard. Et puis, Elric n’avait pas dû sortir pour se nourrir. Si son serviteur ne rentrait pas au plus vite, le sang qu’il avait recueilli de sa dernière victime servirait à son corps et son Maître n’aurait rien à se mettre sous les crocs.
La robe de sa dernière victime toujours accrochée au niveau de sa ceinture de chaîne, le vampire se décolla du tronc de l’arbre et avança vers Arwen, maintenant il pouvait donner un prénom à cette créature.

« Je vais y aller ma belle… » murmura t-il en levant la main vers le visage de la jeune femme et en lui caressant presque amoureusement la joue. «Souhaite pour que votre chemin ne croise plus celui de Ludwig. Il se fait déjà un plaisir de penser aux projets qu’il te réserve. » ajouta t-il en s’éloignant vers le village d’où il était venu.

Ses pas légers l’amenèrent jusqu’à la tanière de son Maître, une maison ayant autrefois appartenue à d’honnêtes commerçants. Malheureusement, au jour d’aujourd’hui, ils étaient morts. Paix à leurs âmes comme le disaient si bien certains.
Descendant à la cave, Ludwig y trouva son Maître en train de faire des tours de cartes sur une des victimes prisonnières. La pauvre, elle n’allait pas survivre pour voir la prochaine nuit…

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